Taux d'interet meilleur taux credit et taux de change
Le raisonnement tenu ci-dessus impliquait l'existence d'un marché des
capitaux ; dans ce cadre, le taux d'intérêt relevait d'une loi
de l'offre et de la demande de fonds et il est classique de dire qu'il s'agit
alors d'un taux d'intérêt "monétaire".
Pour mieux comprendre ce raisonnement, il est opportun de retourner aux sources,
c'est-à-dire à la micro-économie.
Le problème micro-économique fondamental est tout simplement,
pour un agent économique, un problème d'allocation ou de répartition
de ses ressources entre la consommation et l'investisse-ment auquel vient s'ajouter,
dans une économie monétaire, un problème d'épargne
ou de placement.
Dans le cadre d'un marché composé exclusivement de biens physiques
(qui ne sont donc pas, par définition, évalués en termes
monétaires - en francs - mais bien en quantités - en kilos, en
litres, etc. -), on pose traditionnellement deux hypothèses.
1. Quel que soit le moment de la consommation (au temps 0 ou au temps 1 par
exemple), l'agent économique choisit toujours une consommation plus grande
même si l'utilité ou la satisfaction qu'il en retire, diminue avec
le volume consommable : c'est le principe de l'utilité marginale positive
décroissante de la consommation. De plus, on peut imaginer qu'il soit
indifférent entre différentes combinaisons intertemporelles (entre
0 et 1) de consommations de même utilité de sorte que son comportement,
pour une utilité donnée, soit représenté par une
fonction d'utilité ou courbe d'indifférence (concave) :
- à un point donné d'une telle courbe, on sait si, parmi de multiples
combinaisons équivalentes, un agent préfère consommer plus
aujourd'hui ou demain ;
- la pente d'une tangente tracée à ce point indique le taux de
la préférence intertemporelle propre à cet agent, appelé
taux margi-nal de substitution entre consommations à des périodes
diffé-rentes : ce taux doit en fait s'interpréter comme un taux
d'intérêt qui représente un taux d'échange entre
des quantités (de consommation) de biens physiques à des périodes
différentes et, comme il ne se rapporte qu'à des transferts physiques
dans le temps, il s'agit d'un taux naturel. Il exprime une préférence
subjective à l'égard du temps (dont nous avons exposé le
concept au paragraphe 1 ).
2. Il existe des opportunités d'investissement productives qui se situent
sur une courbe de production ou d'investissement (indus-triel), qui procurent
un rendement marginal décroissant et qui, si elles sont exploitées,
permettront d'augmenter les ressources de l'agent en période 1 pour que
ce dernier puisse à ce moment-là consommer plus (par rapport au
cas où il n'aurait pas investi). On met ainsi en évidence le principe
du rendement marginal décroissant de l'investissement productif.
Quand on rapproche ces deux éléments (la courbe d'indifférence
et la courbe de production), on dégage un point de tangence qui indique
que le rendement marginal de l'investissement est alors égal au taux
marginal de substitution de préférence inter-temporelle de la
consommation : il faut alors investir tant que ce rendement marginal est supérieur
ou égal à ce taux marginal, c'est-à-dire au taux d'intérêt
naturel.
Ainsi, dans une économie de biens physiques, le taux d'intérêt
naturel est un taux d'échange dans le temps entre des quantités
présentes et futures de biens physiques et ce taux désigne la
rémunération de l'abstention de consommer aujourd'hui ces biens
(dans l'espoir de pouvoir en consommer plus demain).
Dans un marché de biens "monétarisés" (c'est-à-dire
de biens physiques dont la valeur est exprimée en termes monétaires),
le problème est une question de répartition entre de l'argent
d'aujourd'hui et de l'argent de demain : on s'interroge donc toujours sur la
répartition entre la consommation et l'investissement. Toutefois, puisqu'il
existe un marché de capitaux, des "initiatives" nouvelles existent
car on peut prêter et/ou emprunter de l'argent sur ce marché, et
cela au taux d'intérêt monétaire tel que nous l'avons approché
précédemment :
- au lieu d'allouer l'argent dans des investissements productifs, l'agent économique
peut le placer (le prêter) sur le marché : c'est le concept de
placement financier ;
- l'agent économique peut également emprunter sur le marché
des capitaux pour financer des investissements productifs supplémentaires
(par rapport à ceux qu'il peut financer par ses seuls revenus et richesses
propres) et/ou pour augmenter sa consommation.
L'existence d'une économie monétaire comporte des implications
extrêmement importantes sur le plan des décisions que doit prendre
l'agent économique ; ces décisions se présentent en deux
volets distincts selon un célèbre "théorème
de séparation" :
- la décision optimale d'investissement consiste à investir jusqu'à
ce que le taux de rendement marginal de l'investissement soit égal au
taux d'intérêt (ce qui instaure la fameuse loi micro-économique
en vertu de laquelle il faut investir jusqu'à ce que le revenu marginal
soit égal au coût marginal) : comme nous le verrons dans le chapitre
9, ce principe fondamental est déterminant dans le choix des investissements
en entreprise ;
- la décision optimale de consommation consiste, en tenant compte des
opportunités d'emprunt et de prêt sur le marché des capitaux,
à consommer jusqu'à ce que le taux de préférence
inter-temporelle ou taux marginal de substitution (tel que nous l'avons exposé
dans le cas du strict marché de biens physiques) soit égal au
taux d'intérêt.
Il reste que le taux d'intérêt présent sur ce marché
est "moné-taire", comme cela a déjà été
présenté dans l'approche macro-économique. Il désigne
donc forcément :
- un taux d'échange dans le temps entre des quantités actuelles
et futures d'argent (ou de biens exprimés en valeurs monétaires)
;
- en conséquence, un taux de rémunération de l'abstention
de consommer aujourd'hui (dans l'espoir de consommer plus demain), majoré
d'une prime de "couverture" des risques éven-tuellement encourus.
Il s'agit finalement de noter la convergence des points de vue entre les lectures
macro-économique et micro-économique de l'intérêt
: outre les aspects de rémunération de l'abstention de consommer
et de risque, le taux d'intérêt est un taux d'échange de
valeurs monétaires dans le temps ; il est ainsi le fondement des mécanismes
d'actualisation et d'accumulation que nous allons étudier.
Ajoutons que toute la logique économique et financière (et, par
voie de conséquence, la finance d'entreprise) est axée sur la
notion d'intérêt et est dominée de ce fait par deux concepts
majeurs : le temps et le risque. Nous développerons ces deux aspects
dans les trois sections suivantes.