Loi SCRIVENER CREDIT A LA CONSOMMATION ET PROTECTION DU CONSOMMATEUR
La Loi SCRIVENER n°78-22 du 10 janvier 1978, relative à la protection
du consommateur concerne le credit à la consommation. Il est intégrée dans le Code de la Consommation sous les
articles L311 et suivants depuis la loi du 26 juillet 1993, a pour objet de protéger
le consommateur au moyen d'un cadre juridique extrêmement formaliste.
Il ressort des dispositions d'ordre public des articles L 311-1, L 311-2
et L 311-3 du Code de la Consommation, délimitant le cadre juridique
du crédit à la consommation (I) que celui-ci se définit
comme :
" toute opération de crédit bénéficiant à
un particulier en vue de financer une dépense non professionnelle autre
que l'acquisition d'un bien immobilier. "
On peut constater que le domaine d'application de ces dispositions est
donc fort vaste, le législateur ayant voulu prendre en compte :
F toutes les formes d'opérations de crédit (A),
F afin que le régime de protection du consommateur soit le plus efficace
possible (B).
Toutefois, on pourra constater à regret que ce régime de protection
des consommateurs peut générer des difficultés pratiques
importantes lors du recouvrement de la créance ainsi générée lors d'un credit à la consommation.
Ces difficultés sont tout autant dues au respect du formalisme imposé
(A) qu'aux situations de surendettement des particuliers (B).
I- UN CADRE JURIDIQUE D'ORDRE PUBLIC
A – Les opérations de crédit à la consommation concernées
Il convient de faire appel à la distinction classique entre les crédits
dits " affectés " (prêts liés (1)), et les crédits
" non affectés " (2).
1-Prêts liés
Les prêts liés sont les prêts consentis pour la réalisation
d'une opération déterminée.
Les prêts sont donc affectés au financement d'un bien ou
d'un service déterminé.
Ce système de financement " tout en un " est à la fois
rapide et simple, puisque achat et financement se font en un lieu unique, le
vendeur ou le prestataire proposant lui-même le crédit à la consommation : en droit
civil, une telle opération est qualifiée de vente à tempérament.
Il faut souligner que si les opérations de location avec option d'achat,
notamment en matière de véhicules de tourisme, sont soumises à
la loi SCRIVENER, il n'en est pas de même pour les opérations
de crédit-bail soumises à la loi du 2 juillet 1966, qui ne concernent
que les biens à usage professionnel.
Mais ces crédits liés se voient aujourd'hui "concurrencés
" et supplantés par une autre forme de crédit qui a connu
ces dernières années un développement très important
: les crédits non affectés permettant une plus grande liberté
pour le consommateur.
2 - Crédits non liés
De tels crédits permettent pour le consommateur le libre choix de l'affectation
de la somme obtenue, puisque qu'ils ne sont pas affectés à
une opération déterminée.
Il peut être subdivisé ces crédits à la consommation en plusieurs catégories
:
Ä Le prêt personnel, consenti soit par de grandes banques ou des
organismes de crédit, à des taux très variables.
Entrent dans cette catégorie les prêts dits " à la
consommation ", qui se sont considérablement développés
ces dernières années, et ce d'autant plus qu'il est
très difficile d'échapper à la publicité,
parfois racoleuse, qui en est faite.
Ä Le crédit renouvelable, encore appelé crédit permanent.
Le principe en est simple : une ligne de crédit à la consommation est ouverte au profit
du consommateur, et est utilisable à tout moment.
Les plus connus prennent la forme d'une carte de crédit.
C'est ainsi que la plupart des hypermarchés et des grands magasins
proposent de telles cartes pour le financement des achats de leurs clients.
Ä Enfin, le découvert en compte bancaire, lorsque le titulaire
du compte bénéficie d'une convention de compte courant.
Mais seuls entrent dans le champ d'application de la loi SCRIVENER les
crédits allant au delà de 90 jours, sauf à ce que la banque
s'y soumette volontairement.
II - Un régime de protection du consommateur très formaliste
La pierre d'achèvement de ce régime est l'information.
Une bonne information = un bon choix pour le consommateur.
A défaut d'une telle information, le consentement du consommateur
est considéré comme vicié, ce qui entraîne un certain
nombre de sanctions.
Le consommateur doit donc être à même d'effectuer
un choix éclairé, choix éclairé qui rend nécessaire
une offre préalable (article 311-8).
Cette offre préalable doit, selon les dispositions de l'article
311-10 du Code de la Consommation :
1° Mentionner l'identité des parties, et le cas échéant,
celle des cautions ;
2° Préciser le montant du crédit et s'il y a lieu,
le taux effectif global, et le cas échéant, les primes d'assurances.
Le taux effectif global est défini à l'article L 313-1
du Code de la Consommation, il faut signaler que le consommateur doit connaître
l'ensemble des éléments qui concourent au coût réel
du crédit, à savoir, les frais, les commissions ou encore les
rémunérations d'intermédiaires.
Bien sûr, ce taux doit être inférieur au taux de l'usure
tel que défini aux articles L 313-3 à L 313-6 du Code de la Consommation,
et dont le montant est publié trimestriellement au Journal Officiel.
3° Rappeler les dispositions des articles L 311-15 à L311-17 et
L 311-32 du Code de la Consommation, et, s'il y a lieu, des articles L
311-20 à L 311-31, L 313-13 du même Code et reproduire celles de
l'article L 311-37.
Ces dispositions sont relatives notamment au délai de rétractation
de 7 jours dont dispose le consommateur, aux sanctions encourues en cas de non
respect des exigences formelles, à la forclusion de deux ans à
compter de l'événement qui a donné naissance au crédit,
à la compétence du Tribunal d'Instance pour connaître
des litiges relatifs à l'extension dudit contrat, ainsi qu'aux
droits d'accès de l'emprunteur aux informations le concernant.
4° Indiquer le cas échéant le bien ou la prestation de service
financée.
L'ensemble de ces dispositions constitue donc l'information due
par le prêteur au consommateur emprunteur, afin que celui-ci exprime un
choix éclairé.
Toutefois, en pratique, certaines limites apparaissent rapidement lors du recouvrement
du crédit à la consommation.
Tout d'abord, il faut que le prêteur ait respecté des dispositions
d'ordre public du Code de la Consommation (A).
Il s'agit ensuite de savoir si une action en justice est toujours possible
eu égard audites dispositions (B).
Enfin, il faut envisager le cas du surendettement des particuliers, fléau
qui touche un nombre croissant de personnes aujourd'hui (C).
A- Du respect des dispositions du Code de la Consommation
Le Code de la Consommation impose au prêteur d'informer l'emprunteur
d'une offre préalable conforme (1), et en matière de compte
permanent, de respecter cette information trois mois avant l'échéance
des conditions de reconduction (2).
Le non respect de ces obligations par le prêteur entraîne notamment
la déchéance à son profit du droit aux intérêts
(3).
1° Une offre préalable conforme
Les conditions de forme des offres préalables ne posent en général
pas de problèmes particuliers dans la mesure où elles correspondent
forcément aux modèles type annexés au décret du
24 mars 1978, décret d'application de la loi SCRIVENER.
Désormais, ces modèles type ne sont plus fixés par décret
en Conseil d'Etat mais par le Comité de la Réglementation
Bancaire, après consultation du Conseil National de la Consommation.
Il faut noter que les modalités prévues par le décret
du 24 mars 1978 précitées et codifiées doivent être
considérées comme toujours valables.
D'autre part, les dispositions du décret du 24 mars 1978 n'interdisent
pas expressément d'ajouter aux clauses du modèle type des
dispositions contractuelles justifiées par les particularités
de l'opération envisagée.
Cependant, ces clauses contractuelles, ajoutées aux mentions imposées
par un modèle type ne doivent pas aggraver la situation de l'emprunteur
défaillant.
Selon la Cour de Cassation, si le décret de 1978 exige que l'acte
contenant l'offre soit " présenté de façon claire
et lisible (...) ", il n'exige pas que cet acte soit la copie
servile de ses modèles dès l'instant qu'il contient
sans ambiguïté toutes les mentions exigées. (Cass. 1ère
Civile du 25 avril 1989, n°87-15.791)
La jurisprudence s'est également prononcée sur le fait
de savoir si les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 et ses décrets
d'application interdisaient de proposer sur une même offre préalable
deux produits financiers différents.
Il a ainsi été jugé qu'aucune disposition ne permettait
d'interdire une telle démarche. (CA AMIENS, 11 janvier 1996 ; CA
VERSAILLES, 18 juin 1998)
2° L'information de l'emprunteur en matière de compte
permanent
Aux termes de l'article L 319-1 du Code de la Consommation, l'ouverture
de crédit, ou compte permanent, est limitée à un an renouvelable.
Il est précisé que le prêteur doit indiquer trois mois avant
l'échéance les conditions de reconduction du contrat.
Ces dispositions ont fait l'objet de certains développements jurisprudentiels
relatifs notamment à la preuve de l'information effectuée.
En effet, aucune obligation légale n'existait relativement à
la forme que devait prendre ladite information.
De plus, les établissements de crédit ont dû faire face
à leur succès et à la gestion d'une masse très
importante de dossiers.
Devant l'énormité de la tache, ils ont dû développer
des systèmes de gestion informatisée afin d'informer leurs
clients.
Face à la difficulté pour ces établissements financiers
d'apporter la preuve de l'envoi d'un courrier personnalisé,
la jurisprudence semble admettre qu'en produisant l'historique des
décomptes informatiques de ses clients, faisant mention de l'envoi
d'une lettre de renouvellement, de même qu'un fac-similé
de cette lettre, le prêteur remplit son obligation d'information
trois mois avant l'échéance des conditions de renouvellement
du contrat.
3° La sanction du défaut d'information
Pour le cas de l'offre préalable, l'article L 311-33 dispose
que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur
d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées
par les articles L311-8 à L 311-13 est déchu du droit aux intérêts,
et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital
suivant l'échéancier prévu.
Une solution identique a été développée par la
Cour de Cassation dans un avis du 4 octobre 1996. (Cass. Avis, 4 octobre 1996,
n°96-20.007, RJDA 1997, n°1)
Ainsi, la méconnaissance de l'obligation d'informer l'emprunteur
trois mois avant l'échéance du contrat doit être sanctionnée
non par la nullité, mais par la déchéance du droit aux
intérêts sur les sommes prêtées en exécution
du contrat reconduit.
B -L'action en justice et le risque de forclusion
L'article L 311-37 du Code de la Consommation dispose que le Tribunal
d'Instance connaît des litiges nés de l'application
du chapitre relatif au crédit à la consommation.
Les actions engagées devant lui doivent être formées dans
les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance
à peine de forclusion.
Il faut préciser que lorsque le litige a pour cause la défaillance
de l'emprunteur, le point de départ d'une forclusion de l'action
en paiement est le premier incident de paiement non régularisé.
(Cass. 1ère Civile, 22 avril 1992, DALLOZ 1993, Jurisprudence p.77 Notes
SULTANA)
Pour le cas particulier des comptes permanents, un arrêt de la Première
Chambre Civile de la Cour de Cassation du 9 mars 1999 est venu préciser
que le délai de forclusion opposable au prêteur courait à
compter de l'exigibilité du compte et non à partir des incidents
de paiement survenus sur des échéances non remboursées.
D'autre part, le point de départ du délai de forclusion
opposable à l'emprunteur qui conteste la régularité
de l'offre préalable est la date à laquelle le contrat de
crédit est définitivement formé.
Ainsi, l'emprunteur poursuivi en paiement ne peut invoquer l'irrégularité
de cette offre si le contrat de crédit a été conclu plus
de deux ans avant l'action en paiement. (Cour de Cassation, avis du 9
octobre 1992, Bulletin Civil avis n°4 ; Cour de Cassation, 1ère Chambre
Civile, 10 avril 1996, n°94-13.473, RJDA 1996)
Enfin, la jurisprudence est venue clarifier la situation quant au point de
départ du délai de forclusion opposable à l'emprunteur
qui désire contester les conditions de reconduction.
Ainsi, l'emprunteur qui soutient que le prêteur n'a pas respecté
ses obligations d'information à chaque renouvellement doit formuler
sa contestation dans le délai de deux ans qui suit chaque échéance
de renouvellement. (CA PARIS, 25 janvier 2000)
Il apparaît donc que le point de départ du délai de forclusion
varie en fonction de la situation.
L'information préalable ayant eu lieu, et l'action n'étant
pas l'objet de forclusion, reste une difficulté dans l'exécution,
à savoir, le problème délicat du surendettement des particuliers.
C – Difficulté d'exécution : le surendettement des
particuliers
Le créancier souhaitant poursuivre le recouvrement de sa créance
pourra se voir opposer certaines dispositions de la loi du 8 février
1995, modifiée par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative
à la lutte contre les exclusions.
Cette loi fait appel à deux organes principaux, savoir, la Commission
de Surendettement (1) et le Juge de l'Exécution (2).
1° La commission de surendettement
Une Commission de Surendettement des Particuliers est instituée dans
chaque département.
Cette commission a la faculté de saisir le Juge de l'Exécution
aux fins de suspendre toute mesure d'exécution.
Elle a dans un premier temps un rôle amiable puisqu'elle doit essayer
de concilier les parties en vue de l'élaboration d'un plan
conventionnel de règlement.
Ce plan conventionnel de règlement doit laisser au débiteur un
minimum de ressources.
La commission utilise à cette fin un double critère, savoir :
Ä un plafond de remboursement faisant application des montants maxima
de prélèvements prévus par le Code du Travail relativement
aux saisies rémunérations,
Ä un plancher de ressources insaisissables fixé par référence
au revenu minimum d'insertion (RMI).
A défaut de plan conventionnel de règlement, la commission peut
recommander certaines mesures, comme l'échelonnement des dettes
sur une période maximum de huit ans.
Si l'insolvabilité du débiteur est constatée par
la commission, celle-ci peut recommander la suspension de l'exigibilité
des créances autres qu'alimentaires ou fiscales sur une durée
ne pouvant excéder trois ans.
Au terme de cette période, si l'état d'insolvabilité
persiste, elle peut aller jusqu'à recommander l'effacement
total ou partiel de la créance.
Comme il l'a été précisé ci-dessus, la commission
peut saisir le Juge de l'Exécution.
2° Le Juge de l'Exécution
Le Juge de l'exécution a été créé
par la loi du 9 juillet 1981, portant réforme des procédures civiles
d'exécution. Ce Juge de l'exécution a plusieurs missions
:
Ø il statue sur les contestations de l'état du passif,
Ø il peut ordonner la suspension des mesures d'exécution,
Ø il donne force exécutoire aux mesures recommandées par
la commission,
Ø enfin, il statue sur les contestations concernant les mesures recommandées
par la commission.
Ainsi, il s'avère que, malgré les différentes dispositions
prises par le législateur en vue de protéger le consommateur,
la multiplication toujours croissante de l'offre de crédit à
la consommation, adossée au nombre lui aussi toujours croissant de particuliers
plongés dans les affres du surendettement, a rendu nécessaire
la mise en place de cette procédure.
Il appartient dès lors à l'avocat de conseiller, d'assister
ou de plaider...